La Kabylie et la démocratie Ernest renan, historien, philosophe et écrivain français(1823-1892) disait après avoir lu Hanoteau et De Letourneux dans « La Kabylie et les coutumes kabyles », que « L'organisation politique kabyle représente l'idéal de la démocratie, telle que l'ont rêvé nos utopistes. » 

De tout temps, la Kabylie a vécu selon une organisation qui n'a rien à envier aux démocraties occidentales. Le village(tadart), la tribu (el aarch) étaient régis par une assemblée (Agraw ou tajmat terme arabe) . Elle était composée des hommes majeurs, quelle que soit leur situation socio-économique, qui élisaient un amin ou amoqran en berbère et un ukil pour l'assister. L'amoqran dirigeait les débats,  prenait note(oralement) des décisions pour leur application. L'amoqran et l'oukil devaient appartenir à deux clans différents, pour un équilibre des pouvoirs, faire un contre poids. C'était l'ukil qui tenait la caisse. Ces deux personnes n'étaient pas rémunérées et pouvaient être destituées à tout moment, pour manquement, il n'y avait pas de mandat. Il n'y avait pas de juge dans cette organisation, les décisions étaient prises à l'unanimité.

Cette assemblée émettait souverainement les règles de vie à respecter, pour la cohésion du village. Tout comme l'amoqran et l'ukil, elles pouvaient être changées ou adaptées à l'unanimité à tout moment, selon l'évolution de la vie et des besoins. Les règles n'étaient pas transcrites, chacun les retenaient oralement, c'est peut-être pour ça qu'elles n'étaient pas rigides. Dans l'assemblée les vieillards étaient particulièrement écoutés, pour leur expérience et leur sagesse. Selon le code d'honneur les meurtres étaient vengés par les liens du sang. Mais l'accusé pouvait demander pardon devant l'assemblée, et même si celui-ci lui était accordé par la famille, il était exclu de la communauté. Sinon la peine de mort était prohibée par l'assemblée, elle n'était prononcée qu'en cas de haute trahison, mettant en péril toute la communauté. Et même dans ce cas il y avait la possibilité d'implorer le pardon. Sinon pour les vols par exemple, on punissait en exigeant le remboursement de dix fois ce qui a été volé. Pendant ce temps chez les musulmans on coupait les mains et en Angleterre on pendait. L'assemblée avait aussi un rôle social.

Elle organisait aussi tiwizi (action de solidarité), selon les besoins de la population et des individus. Il s'agissait de se solidariser, de se mettre ensemble pour réaliser des tâches communes ou aider quelqu'un. Le village kabyle était déjà animé d'un esprit municipal (gestion et administration d'une commune) et de civisme. Les citoyens vivaient selon les règles promulguées par la collectivité, donc acceptées de tous. C'est ça qui faisait sa force. Toutes les invasions et occupations étrangères qu'a connues la région, ont essayé de détruire cette organisation pour la remplacer par les leurs. Aussi incroyable que cela puisse paraître, elle leurs a toutes résistées.

Avec l'invasion arabe, c'était une organisation plutôt théocratie, la population devant vivre selon les lois coraniques véhiculées par le marabout. On sait que les Turcs en Algérie, ont imposé une organisation de type féodal (caïds, bach aghas, beys et deys), sauf en Kabylie. La preuve ils n'ont pas réussi à s'y implanter vraiment, ils se sont contentés de construire des Bordj (forts), comme celui de Sébaou, Boghni pour vivre en autarcie. Ils n'ont même pas réussi à imposer le payement de l'impôt, comme s'était le cas dans le reste de l'Algérie. Pour la simple raison que la Kabylie avait sa propre organisation. Elle a résisté jusqu'à leur départ en 1830. La politique française qui consistait à mettre en place des caïds, grands seigneurs pour gouverner des populations habituées à une gestion démocratique, et des cadis pour juger, ce que faisaient habituellement l'Agraw (l'assemblée du village) avait échoué. Les Kabyles ont réagi à la promulgation de la « législation berbère » et l'ont rejetée, même si elle était inspirée des coutumes kabyles.

C'est de là que naquit « Le mythe berbère », caractérisé par les valeurs de démocratie et de liberté, mais surtout « le mythe kabyle ».  Il désignait un certain nombre de valeurs inexistantes ailleurs. Il y avait l'habitude de travail du kabyle(car il vivait du travail), ses notions de libertés, l'honneur (reconnaissance de chacun et rejet du mépris), l'islam plutôt superficiel qu'il pratiquait ( donc plus libre à l'égard de la religion). Dès les débuts de l'occupation française, il fut distingué du reste de la population algérienne. Il était qualifié d'économe, d'audacieux, de rusé, de pragmatique et de réaliste. Mais c'était surtout l'organisation sociale et politique qui frappa les sociologues et anthropologues de l'époque. Les coutumes kabyles avaient indéniablement un caractère démocratique.

IFLIS pour Timunent

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Jugurtha Yazid

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