Le groupe japonais du e-commerce Rakuten a annoncé il y a cinq jours la nomination d’un serial entrepreneur français à la tête de sa messagerie
instantanée, rachetée voilà trois ans.
Un Franco-kabyle à la tête de Viber, le logiciel propriétaire qui revendique plus de 800 millions d'utilisateurs dans à travers le monde ! Le nouveau patron de l'application
fondée en 2010 par quatre Israéliens, et rachetée voilà trois ans par le leader
japonais du e-commerce Rakuten pour quelque 900 millions de dollars, ne semble
pas en tirer de gloire particulière.
En jean et Converses, comme dans la Silicon Valley où il
résidait depuis trois ans, Djamel Agaoua relativise : « J'ai déjà changé de
milieu social, de pays et de langue, confie ce natif de Marseille, âgé de 47
ans, depuis son bureau minimaliste perché au 13ème étage d'une tour de Bnei
Brak, une banlieue de Tel-Aviv. Et c'est motivant de mener une vie dans
laquelle on a une diversité d'expériences ».
D'expériences, ce père de trois jeunes enfants, serial
entrepreneur et investisseur à ses heures, n'en manque pas. Djamel Agaoua a
vendu sa première start-up, la plate-forme d'achat virtuelle Achatpro, à des
Français. Quelques années plus tard, il a cédé une seconde société, B-Process,
à des Américains. Quant à sa troisième entreprise tricolore, MobPartner,
spécialisée dans la publicité mobile, elle est passée, en 2015, dans le giron
du chinois Cheetah Mobile, pour la coquette somme de 58 millions de dollars. «
J'ai eu la chance de connaître des succès, mais je reste passionné par
l'aventure entrepreneuriale, avant tout pour la dimension humaine qui va avec
», poursuit-il, intarissable sur le sujet.
Fan de Romain Gary
Fils d'un père kabyle à la tête d'une pâtisserie, ce patron,
féru de maths, son « premier amour de jeunesse », intègre l'Ecole Centrale de
Paris. L'ingénieur fera ses premiers pas dans le monde du conseil chez Bain
& Company. Là, 51% des recrues deviennent entrepreneurs... « A l'époque, on
parlait toute la journée de Bill Gates et de la façon de monter des boîtes !»
rappelle l'ex-consultant qui, en 1999, a fini par sauter le pas.
Djamel Agaoua parle vite, pense plus vite encore, se livre
peu. Mais nul doute qu'aux manettes de Viber, cet amateur de tennis et de
plongée sous-marine, fan de Romain Gary, trouvera de quoi satisfaire son goût
du défi.
Sachant que la vitesse d'innovation est devenue la variable
clé dans un marché ultra concurrentiel où s'affrontent aussi bien des géants
tels Facebook, WeChat ou Line que des start-up véloces comme Snapchat, Rakuten
a placé la barre très haut : Djamel Agaoua devra notamment accélérer « le
développement de fonctionnalités innovantes » de l'application mobile ou encore
« forger de nouveaux partenariats mondiaux», précise le groupe nippon dans un
communiqué.
« Ma mission est clairement d'arriver à recréer la dynamique
entrepreneuriale qui a fait le succès de ce service de messagerie, jusqu'au
départ de ses fondateurs consécutif au rachat par Rakuten », décrypte le
nouveau PDG de Viber.
« Un nombre incroyable de licornes »
Débusqué par un cabinet de chasse de Palo Alto, il
travaillera, du moins dans un premier temps, à Bnei Brak, fief de la messagerie
qui abrite 200 salariés sur 350. « Je n'avais séjourné qu'une seule fois et
très rapidement en Israël, un petit pays qui a produit un nombre incroyable de
licornes, qu'il s'agisse de Waze ou de CheckPoint, commente l'intéressé. Et
j'ai trouvé des gens excessivement ouverts d'esprit. Je trouve d'ailleurs
passionnant qu'une personne prénommée Djamel se retrouve à gérer une entreprise
à Tel-Aviv ! »
Pour autant, ce patron avoue avoir été séduit en premier
lieu par la dimension résolument internationale du projet. « C'est dans l'ADN
de Viber de connecter les gens, librement et en toute sécurité. Et quand je
vois que dans certains pays, on referme les frontières, cela me rend dingue !
Cela ne va pas du tout dans le sens de l'histoire ».
Au lendemain de la signature du décret anti-immigration de
Donald Trump, la messagerie Viber avait d'ailleurs annoncé qu'elle renonçait à
la tarification des appels vers des numéros fixes ou mobiles entre les
États-Unis et les sept pays concernés par le « ban » américain. Une autre façon
de briser les frontières.
Source: lesechos.fr
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